Pourquoi les hommes préfèrent les jeunes ?

Ils ont 30, 40 ou même 70 ans et partagent une passion commune : les jeunes femmes. D’où vient cette obsession érotique et amoureuse, cette fascination qui semble défier l’essor de la parité ? Des hommes nous le racontent. Crûment.

Début mars, en pleine fronde des actrices hollywoodiennes contre les écarts de salaires qu’elles subissent en comparaison de leurs homologues masculins, on redécouvrait, un peu naïvement, une autre différence de traitement. A savoir les différences d’âge parfois hallucinantes des couples à l’écran. Une polémique lancée par les féministes américaines, qui soulignaient ainsi les quinze années qui séparent Emily Blunt (21 ans) de Tom Cruise (51 ans) dans Edge of tomorrow. Et qui s’étonnaient encore qu’à la vision de Magic in the moonlight, personne ne semble gêné par les vingt-huit années d’écart entre Emma Stone (27 ans) et Colin Firth (55 ans). Un simple tropisme du machisme hollywoodien ? Un peu, oui, mais aussi le reflet d’une troublante réalité.

« Pour moi, l’écart d’âge est le secret des couples qui durent », s’enthousiasmait l’écrivain Frédéric Beigbeder à l’occasion de la promotion de son ouvrage Oona & Salinger (1), consacré à la romance entre l’auteur de L’attrape-cœurs et la jeune Oona O’Neill. « J’ai 48 ans et je ne vois que des gens qui en ont à peu près 20, expliquait alors Beigbeder. J’ai même épousé récemment une femme de 24 ans. » Et il n’y a pas qu’au cinéma ou à Saint-Germain-des-Prés que ce genre d’unions transgénérationnelles fleurissent. D’après l’Insee, si la différence d’âge moyenne dans les couples a structurellement tendance à baisser (de 2,8 ans, dans les années 50, à 2,3 aujourd’hui), les unions où plus de dix ans séparent les deux partenaires (souvent en faveur de l’homme) ont, elles, presque doublé, passant de 8 à 14 %. Mais comment comprendre cet attrait de certains hommes pour la jeunesse à l’heure où notre société semble motivée pour atteindre son rêve d’égalité ?

“L’idéal de beauté”

« On tente de nous faire gober que tout le monde est aimable. Mais la jeune fille demeure la forme idéale de la beauté, ainsi que la plus convoitée. Elle aurait tort de ne pas en abuser », répond tout simplement Roland Jaccard. A 74 ans, cet essayiste publiait l’an dernier – avec Marie Céhère, sa compagne d’un demi-siècle sa cadette – Une liaison dangereuse (2), récit de la genèse de leur romance née à la faveur d’échanges nocturnes sur Facebook. « Très vite j’ai observé que les femmes vieillissaient en un temps record, et plus mal que les hommes », précise l’auteur de La tentation nihiliste, qui a érigé son amour des « teen angels » au rang de dandysme anachronique.

Si sa sentence a de quoi choquer les femmes, elle paraît majoritairement partagée par les hommes. Récemment séparé de la mère de son fils, âgée de dix ans de moins que lui, Edouard ne dit pas autre chose lorsqu’il évoque sa passion pour les épidermes juvéniles. « L’idée de commencer une relation avec une femme de mon âge me bloque complètement. L’idéal étant qu’elle ait sept ou huit ans de moins que moi, reconnaît ce photographe de 43 ans. Une fois, sur Tinder, j’ai monté le curseur à 39 ans, mais ce n’était vraiment pas possible. » Et ce manque d’entrain érotique face aux femmes plus âgées dépasse largement la préférence individuelle de notre témoin. Camille Laurens ne l’a-t-elle pas frontalement écrit dans Celle que vous croyez (3), son dernier roman ? A 50 ans, comme elle, des femmes ont la lourde sensation de devenir des « invisibles » aux yeux de beaucoup d’hommes.

Une domination consentie

Une étude réalisée en 2015 par Kitae Sohn, chercheur à l’Université de Konkuk, à Séoul, confirmait que, quels que soient leur âge, leur statut social, leur culture et la relation envisagée (courte, longue ou épisodique), les hommes hétérosexuels étaient en grande majorité attirés par des femmes évoluant entre 17 et 25 ans(4) . « Les avantages, ce sont cette fraîcheur, cette fermeté de la peau et cette spontanéité sexuelle que beaucoup de femmes perdent après 30 ans, au nom d’une pseudo “maturité érotique” qui est surtout pour moi synonyme d’ennui », explique crûment Alexandre, 39 ans, programmeur informatique, en couple depuis deux ans avec une femme de 24 ans. Et d’ajouter : « Il y a aussi l’absence de pression quant à la maternité et une dimension narcissique lorsqu’on croise les regards envieux des autres hommes dans la rue. »

La disponibilité sexuelle, l’éclat social et l’absence de revendication maternelle occuperaient ainsi, selon ces hommes, de bonnes places dans la colonne des avantages liés à ces unions juvéniles. Pour certains, il s’agit aussi d’une transmission symbolique à même de stimuler l’ego masculin. Mais elle peut aussi virer à une question d’argent. « Dans ce type de configuration, c’est toi qui paies tout, car tu as le rôle de l’adulte. La dernière fille avec qui je suis sorti, et qui avait tout juste 25 ans, m’appelait en rigolant son “Sugar daddy” (« Papa gâteau », en français, ndlr) », confirme Edouard. Signe des temps : la multiplication, ces dernières années, des sites aux frontières de la prostitution, tels que Seeking arrangement, proposant de mettre en relation des hommes « à l’aise dans la vie » avec des « jeunes femmes attirantes et ambitieuses ».

Soit l’illustration paroxystique de cette « domination consentie » des femmes plus jeunes et économiquement plus précaires que leur conjoint, théorisée par le sociologue Michel Bozon(5). « Les jeunes filles me donnent l’illusion de ne pas vieillir. Et elles, en retour, reçoivent une forme d’assurance-vie et trouvent un père en moi », ajoute nonchalamment Roland Jaccard. Ce que confirme l’essayiste Peggy Sastre(6) : « Dans un couple hétérosexuel, quand c’est l’homme qui est plus âgé que la femme, on observe un écart dans les revenus et le niveau d’études – avec l’homme généralement au-dessus. C’est un phénomène universel. » Des décalages sociaux qui peuvent parfois générer d’imprévisibles vertiges existentiels. « Un soir où j’ai pris des verres avec ses copines, beaucoup moins matures qu’elles, d’un coup je me suis demandé ce que je foutais là », raconte Alexandre. Un malaise parfois subtilement amplifié par les cercles amicaux, qui peuvent observer d’un œil modérément bienveillant ce qu’ils considèrent comme une volonté un peu pathétique de conjurer le temps. « En sous-texte, il y a cette idée que l’âge de l’une aurait le pouvoir magique de régénérer l’autre, analyse la conseillère conjugale Caroline Kruse(7) . Résultat : un homme avec une femme plus jeune est peut-être secrètement jalousé, mais souvent aussi légèrement désocialisé de son réseau d’amitiés antérieur. »

Mais alors, quelles sont les origines de cet étrange attrait pour la jeunesse ? Qu’il s’agisse d’un simple « moment d’égarement » – en référence au titre du film de Claude Berri où l’héroïne, encore adolescente, entretient une relation avec le meilleur ami de son père, qui a récemment fait l’objet d’un remake par Jean-François Richet – ou d’une attirance pérenne, elles semblent tirer leur genèse d’un moment fondateur de nos constructions amoureuses. « Chez l’homme, l’origine de cet attrait fait souvent écho à la relation mère-fils, celle-ci, dans leur cas, étant souvent teintée de distance ou de séduction mal placée, analyse le psychologue Lubomir Lamy(8). Ce qui explique aussi pourquoi on retrouve en effet chez ces hommes une représentation de la femme souvent dégagée de sa dimension maternelle au profit de sa dimension érotique. »

Le lien à la mère

Si Edouard avoue, lui, être à la recherche de sa mère – « Une femme très belle, qui a toujours fait quinze ans de moins que son âge » –, c’est aussi du côté parental que Roland Jaccard identifie l’origine de sa passion pour les jeunes femmes. « Mon père et ma mère avaient vingt ans de différence. Rien ne me paraissait plus normal », confie-t-il. Quant à Alexandre, c’est à la suite de multiples relations avortées avec des femmes de son âge aux attentes existentielles jugées selon lui intenables qu’il s’est tourné vers des partenaires beaucoup plus jeunes. Comme une manière de réactiver les rôles et schémas conjugaux classiques, à l’heure où les rapports hommes-femmes n’ont jamais été si mouvants, donc potentiellement insécurisants. « Dans notre ère de massification des mariages d’amour, on a tendance à relier ces couples à des unions de raison, analyse le sociologue Jean-François Mignot. Car plus les femmes sont diplômées, plus elles se marient tard avec des hommes de leur âge. » Et à l’heure où les amours « photocopies » – celles avec des partenaires socialement similaires – forment la majorité des couples, il n’est pas simple d’envisager ces unions transgénérationnelles sur la durée. « Plus les partenaires se ressemblent, plus ils ont de chances de rester unis longtemps », rappelle le psychologue Lubomir Lamy.

C’est ce dont a douloureusement pu se rendre compte le quadragénaire Edouard qui, à la suite de sa dernière aventure avec une charmante créature de 25 ans, a été étreint par une bouffée d’angoisse quant à leur avenir commun. « Un jour, je me suis mis à lui parler d’un voyage en Thaïlande que j’avais fait dans les années 90 ; et alors j’ai réalisé qu’à l’époque elle avait 3 ans. Ça m’a tellement fait flipper que j’ai rompu dans la foulée. Là, je viens de rencontrer une femme de 38 ans qui a quelque chose de très enfantin dans le regard. » Avant de reconnaître qu’il aurait quand même préféré qu’elle ait quatre ans de moins.

Source: Marieclaire.fr

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