Interdiction parentale formelle

Quand mes parents prenaient cette interdiction formelle, unilatérale, inconditionnelle et irrévocable, il nous était interdit de consommer l’alloko du dehors, chez nos vendeuses préférées, nous qui étions les éminents acteurs de leurs chiffres d’affaire.
Tout à coup ma mère avait décidé qu’il manquait d’hygiène dans leur façon de faire. L’eau qui rinçait les bananes étaient selon elle la même qui servait à tous les autres régimes. Pourtant nous étions habitués depuis des années. Même elle, ma mère, même lui, mon père mangeait de cet alloko du dehors. Aujourd’hui on trouvait que les ongles des filles qui coupaient les tranches étaient beurrés de crasse. Et que huile restait comme l’eau inchangée.
Une litanie de frustrations qui ne faisait que nous handicaper. Bien entendu, ma mère avait mis son veto, son double, notre père avait suivi. Et il était revenu de ses ballades avec des grappes de régimes de bananes. Tout s’organisait et nous assistions à ça un peu dépités. Dehors, les cris de nos amis avec entrain et appétit couraient s’acheter papillote d’alloko. S’asseyaient ensemble près du caniveau coulant d’une eau morveuse, ils festoyaient en nous narguant.
Nous mangions certes notre alloko familiale. Avec cependant ce goût de la rue qui manquait. Ce truc que nul part dans le monde, on ne pouvait trouver à domicile, parce qu’il était le secret des commerçantes de rue. Évidemment, nous nous cachions pour avoir le complément de cette drogue. En ces temps-là, il y a longtemps très longtemps, dans un pays de paix. On ne parlait pas de fièvre typhoïde.
Bon après-midi.

Par Kipré Pacome Christian, Ecrivain Journaliste et Pédagogue

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