La frigidité existe-t-elle encore ?

Il n’y a pas de femmes frigides, il n’y a que des hommes maladroits, dit l’adage. Ce trouble serait-il donc un mythe ? Ou bien a-t-il une réalité d’un point de vue médical ? Les explications du Dr Madeleine Gerardin-Toran, sexologue et thérapeute de couple à Nîmes, secrétaire générale du Syndicat national des médecins sexologues.

Une notion plurielle Depuis les travaux de Masters et Johnson, à la fin des années 60, on connaît mieux le fonctionnement physiologique de la sexualité féminine. On comprend donc mieux ce qui peut l’altérer et les symptômes qui en découlent. « On observe trois grandes catégories de dysfonctionnements sexuels chez la femme : les troubles de l’orgasme, les troubles de l’intérêt sexuel et de l’excitation et, enfin, les douleurs génitopelviennes et les troubles de la pénétration », précise la sexologue. Auparavant, le terme frigide regroupait, sans grande distinction, tous ces cas de figure. Plus maintenant.

Une absence d’orgasme
« Aujourd’hui, cette dénomination obsolète et peu précise pourrait correspondre aux femmes qui ont, à des degrés divers, des difficultés à avoir une excitation suffisante pour éprouver du plaisir lors de la relation sexuelle et parvenir à un orgasme. » La différence est de taille : en effet, alors que les rapports sexuels deviennent une épreuve pour celles qui ressentent des douleurs génitales ou qui contractent involontairement leur vagin, rendant la pénétration difficile, voire impossible, il en va différemment pour celles qui souffrent de troubles du plaisir et de l’excitation, comme on appelle désormais la frigidité. « S’il est exact que ces femmes éprouvent parfois moins de désir sexuel, ce n’est pas le cas pour toutes et certaines continuent à trouver les relations sexuelles plaisantes et agréables, même en l’absence d’orgasme », explique la spécialiste.

Le fruit d’un apprentissage
Il est vrai que le chemin conduisant à l’extase, notamment chez la femme, n’est pas toujours évident. « L’accès au plaisir n’est pas inné. Il se découvre au fur et à mesure que la jeune femme apprend à se connaître et à développer ses propres circuits du plaisir et du désir. La sexualité, chez elle, nécessite une érotisation de son corps, comme un mode d’emploi qui s’acquiert avec le temps et la maturité sexuelle. » S’y ajoute un autre aspect important de la sexualité féminine, qui est tout ce qui contribue à l’excitation psychique : « Cette composante imaginaire et érotique que chacune développe pour être pleinement en phase avec ses sensations et éprouver un maximum de plaisir… », précise la thérapeute. Cela sans parler du fait que certains hommes, inexpérimentés, trop pressés ou ayant eux-mêmes des troubles de la sexualité, ne prennent pas le temps d’attendre que leur compagne atteigne l’orgasme (entre 8 et 10 minutes en moyenne, mais parfois beaucoup plus). Toutes ces raisons conduisent à ce que, parfois, l’apprentissage de la sexualité ne se fasse pas, ou reste partiel et incomplet.

S’il ne se produit pas
Lorsque l’accès au plaisir est contrarié dès le début de la vie sexuelle, on parle de trouble primaire. Un grand nombre de facteurs psychologiques, physiologiques ou médicaux et relationnels sont alors potentiellement impliqués. « Cela peut être dû à une méconnaissance et une mauvaise image de soi, un manque d’apprentissage et d’érotisation de son corps qui peuvent être liés à l’éducation, avec le poids des interdits, mais aussi au milieu culturel, où la sexualité plaisir pour la femme n’a pas forcément sa place. Aujourd’hui encore, dans le cadre de l’Education nationale, les jeunes filles sont informées par rapport au contrôle des naissances, à la contraception, à la prévention des maladies sexuellement transmissibles, mais ne reçoivent aucune indication en ce qui concerne la physiologie et le bon fonctionnement de la sexualité », poursuit la sexologue. Les autres causes peuvent être d’origine traumatique. Des attouchements, un abus physique ou psychologique pendant l’enfance et le corps se referme, refusant toute forme de plaisir sexuel.

S’il ne survient plus
Il arrive aussi que cette absence d’orgasme apparaisse soudainement, après une période de vie intime satisfaisante. On parle alors de trouble secondaire. « Un élément va brutalement modifier l’équilibre sexuel de la femme. Un accouchement particulièrement difficile et traumatisant, la perte d’un être cher, des relations de couple compliquées, voire conflictuelles, un burn-out professionnel : entre le travail, la vie familiale et les obligations sociales, les facteurs sont multiples. La personne n’a plus de disponibilité ni d’esprit ni de corps », précise la spécialiste. Il y a également le poids des fausses croyances ou des pensées erronées. Ainsi, il peut arriver qu’une personne jouissant uniquement par stimulation clitoridienne en vienne à se sentir anormale, puisqu’elle n’est pas « vaginale », et perde confiance en elle, voire culpabilise et se replie sur elle. « On sait aujourd’hui que, quel que soit le point de départ et le mode de stimulation, tous les orgasmes ont la même valeur », insiste la sexologue. Enfin, le blocage peut être d’origine physiologique, comme des mycoses à répétition ou une endométriose qui entraînent des rapports douloureux et freinent de facto l’accès au plaisir. Sans omettre les traitements médicamenteux, prescrits dans certaines pathologies, qui peuvent parfois ralentir la montée de l’excitation et rendre l’atteinte de l’orgasme plus difficile et plus aléatoire. C’est notamment le cas avec certains antidépresseurs, des neuroleptiques, des antipsychotiques…

Une prise en charge efficace
Quand la souffrance, physique ou morale, est présente, il est conseillé d’aller consulter son médecin traitant pour, dans un premier temps, écarter tout problème de santé, puis de faire appel à un thérapeute formé à la sexologie*, car des solutions existent. « Au niveau corporel, la prise en charge s’effectue par le biais de conseils et l’initiation de jeux érotiques et de caresses qui vont permettre au couple de découvrir ou redécouvrir la sensualité et le plaisir physique ; au niveau cognitif, elle s’opère par la mise en évidence et la restructuration des pensées erronées ou inhibitrices ; enfin, au niveau psychique, elle passe par le développement de l’imaginaire érotique et de la fantasmatique », explique Madeleine Gerardin-Toran. Et de conclure que les troubles du plaisir et de l’excitation ne sont pas une fatalité e qu’il est toujours temps d’agir, quel que soit l’âge, l’homme ayant aussi un rôle à jouer, en sachant se montrer à l’écoute, stimulant et tendre.

Source: Femina.fr

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